LES INNOCENTS
     
 


sans connaître les raisons
qui ont
poussé cet homme à vivre
dans une autre ville
on l'estime
comme quelqu'un de toujours poli
qu'il soit heureux
ou qu'il soit triste

sans donner d'importance
à la chance
de voir cet homme, ce soir
qui rentre un peu moins tard
ses enfants
aiment leur père avec une impatience
qui le laissera vieillir
juste après leur enfance

il tourne sur le monde solitaire
il court, il approche un autre siècle

on se souviendra
de ceux qui commettent un crime
un jour
de tous ces chasseurs de primes
et puis
d'oublier la vie
d'un homme extraordinaire

sans l'espoir d'apprendre
à leur apprendre
à ne pas compter les heures
qui s'enroulent et qui meurent
que leur dire ?
qu'ils viennent sur terre juste pour y répandre
un peu d'amour
et quelques cendres

on se souviendra
de ceux qui commettent un crime
un jour
de tous ces chasseurs de primes
et puis
d'oublier la vie
d'un homme extraordinaire

sans connaître les raisons
qui ont
poussé cette femme à fuir
encore une autre ville
on la voit
comme quelqu'un qui a bien réagi
face à la mort


comprendrais-tu ma belle
qu'un jour, fatigué
j'aille me briser la voix
une dernière fois
à cent vingt décibels
contre un grand chataigner
d'amour pour toi

trouverais-tu cruel
que le doigt sur la bouche
je t'emmène, hors des villes
en un fort, une presqu'île
oublier nos duels
nos escarmouches
nos peurs imbéciles

on irait y attendre
la fin des combats
jeter aux vers, aux vautours
tous nos plus beaux discours
ces mots qu'on rêvait d'entendre
et qui n'existent pas
y devenir sourd

il est un estuaire
à nos fleuves de soupirs
où l'eau mêle nos mystères
et nos belles différences
j'y apprendrai à me taire
et tes larmes retenir
dans cet autre Finistère
aux longues plages de silence

bien sûr on se figure
que le monde est mal fait
que les jours nous abiment
comme de la toile de Nîmes
qu'entre nous, il y a des murs
qui jamais ne fissurent
que même l'air nous opprime

et puis on s'imagine
des choses et des choses
que nos liens c'est l'argile
des promesses faciles
sans voir que sous la patine
du temps, il y a des roses
des jardins fertiles

il est un estuaire
à nos fleuves de soupirs
où l'eau mêle nos mystères
et nos belles différences
j'y apprendrai à me taire
et tes larmes retenir
dans cet autre Finistère
aux longues plages de silence

car là-haut dans le ciel
si un jour je m'en vais
ce que je voudrais de nous
emporter avant tout
c'est le sucre, et le miel
et le peu que l'on sait
n'être qu'à nous

il est un estuaire
à nos fleuves de soupirs
où l'eau mêle nos mystères
et nos belles différences
j'y apprendrai à me taire
et tes larmes retenir
dans cet autre Finistère
aux longues plages de silence

Merci à Laetitia pour ces paroles

 
     

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